Le réseau Monero (XMR), célèbre cryptomonnaie axée sur la confidentialité, traverse une période de turbulence. L’exchange américain Kraken a annoncé la suspension temporaire des dépôts après qu’un pool de minage, Qubic, a pris le contrôle de plus de 50 % de la puissance de calcul du réseau. Cet épisode relance le débat sur la sécurité des blockchains de taille moyenne et la résilience des cryptomonnaies dites « anonymes ».
Kraken gèle les dépôts de Monero
Dans la nuit du 15 au 16 août 2025, la plateforme Kraken a décidé de bloquer temporairement les dépôts en XMR. En cause : une attaque dite « 51 % », situation où un acteur ou un groupe parvient à contrôler plus de la moitié de la puissance de calcul du réseau.
Ce scénario redouté permet de réorganiser la chaîne de blocs, de retarder la validation de certaines transactions et, dans les cas les plus graves, d’exécuter des attaques en double dépense. Dans le cas de Monero, Qubic — un pool de minage jusqu’alors relativement confidentiel — a soudainement concentré une puissance de calcul colossale, déclenchant une prise de contrôle temporaire.
Bien que la suspension décidée par Kraken ne concerne que les dépôts (et non les retraits), cette mesure préventive reflète l’inquiétude croissante de la communauté face à la centralisation du hashrate.
Qu’est-ce que Monero et pourquoi séduit-il autant ?
Lancé en 2014, Monero (XMR) est une cryptomonnaie conçue pour garantir la confidentialité totale des transactions. Contrairement à Bitcoin ou Ethereum, où chaque transfert est traçable publiquement, Monero masque par défaut :
- Les montants échangés grâce aux RingCT (Ring Confidential Transactions).
- L’identité des expéditeurs et des destinataires via des adresses furtives.
- La provenance des fonds avec les signatures en anneau, qui brouillent les pistes en mélangeant plusieurs signatures.
Cette approche a fait de Monero la monnaie de prédilection pour les utilisateurs soucieux de leur vie privée. Les défenseurs du projet mettent en avant :
- Une confidentialité par défaut inégalée dans l’écosystème crypto.
- Une résistance aux ASICs via l’algorithme RandomX, favorisant un minage plus décentralisé.
- Une fongibilité parfaite : chaque XMR est interchangeable, puisqu’il est impossible de remonter à son historique.
Cependant, cette confidentialité extrême a aussi un revers. Monero est souvent associé :
- Aux transactions sur le darknet.
- Au blanchiment d’argent et aux ransomwares, qui privilégient XMR pour son opacité.
- Aux pressions réglementaires, certaines plateformes refusant désormais de lister Monero pour éviter des sanctions liées aux normes anti-blanchiment (AML/CFT).
Ainsi, Monero incarne à la fois l’utopie de la vie privée financière et le cauchemar des régulateurs.
Les risques d’une attaque 51 %
L’incident survenu mi-août n’est pas le premier du genre dans l’univers des cryptomonnaies. Plusieurs réseaux Proof-of-Work de taille moyenne, comme Ethereum Classic ou Bitcoin Gold, ont déjà subi des attaques similaires. Mais pour Monero, qui se veut une référence en matière de sécurité et de confidentialité, le choc est symboliquement fort.
Un attaquant qui détient plus de 50 % de la puissance de calcul peut :
- Retarder ou censurer des transactions.
- Réorganiser la blockchain pour créer des versions alternatives.
- Tenter des doubles dépenses, compromettant la confiance dans le réseau.
Pour l’instant, aucune perte majeure n’a été signalée. Mais l’événement met en lumière la fragilité d’un système qui repose sur un équilibre délicat entre la décentralisation du minage et la puissance des pools.
Une communauté mobilisée et un prix résilient
Malgré l’attaque, Monero a montré une étonnante résilience. Son cours, après une légère chute initiale, a rapidement retrouvé de la vigueur. Cette robustesse s’explique par :
- La confiance de sa communauté très attachée à l’idéologie de la vie privée.
- L’évolution du protocole, avec des mises à jour comme Seraphis, censées renforcer l’efficacité et la sécurité.
- La demande croissante pour des solutions financières réellement confidentielles, à l’heure où la surveillance numérique et la régulation financière s’intensifient.
Certains analystes estiment même que cette attaque pourrait pousser les développeurs à accélérer leurs travaux sur la décentralisation accrue du minage et sur de nouveaux mécanismes de sécurité.
Conclusion : entre fragilité technique et force idéologique
L’attaque 51 % subie par Monero rappelle que même les cryptomonnaies les plus réputées pour leur robustesse ne sont pas invulnérables. Elle met en lumière un paradoxe : d’un côté, Monero demeure la référence en matière de confidentialité ; de l’autre, il reste exposé aux faiblesses structurelles du Proof-of-Work.
Cette tension pourrait bien façonner l’avenir du projet. Une chose est certaine : tant que la demande pour une monnaie numérique véritablement privée persistera, Monero restera au cœur des débats — entre innovation technologique, résistance communautaire et pressions réglementaires.