Le téléphone intelligent comme dispositif biopolitique
La généralisation du smartphone ne relève pas d’une simple transformation des usages quotidiens : elle constitue un basculement anthropotechnique majeur. Ce dispositif, initialement présenté comme outil de communication, s’est progressivement mué en interface permanente de surveillance, d’auto-quantification et de capture attentionnelle. Dans le champ de la santé, ce glissement est particulièrement visible : le smartphone n’est plus un auxiliaire. Il devient co-acteur.
Qu’il s’agisse de mesurer les pas, de surveiller le rythme cardiaque ou d’optimiser le sommeil, les applications dites « santé » structurent un rapport au corps fondé sur l’extériorisation des données. Le sujet ne ressent plus, il vérifie. Il n’écoute plus, il consulte. L’expérience immédiate est supplantée par une série d’indicateurs, de graphiques, de feedbacks numériques. Ce qui était vécu devient mesuré.
Ce régime de quantification intégrale résonne avec les logiques probabilistes déjà à l’œuvre dans d’autres secteurs. L’obsession pour les cotes de paris en direct, par exemple, illustre cette volonté contemporaine de tout inscrire dans un système d’évaluation continue, d’anticipation du risque, de prévisibilité calculée. La santé devient une affaire de projection, non d’écoute.
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