Un article de South China Morning Post relève que DeepSeek, start-up chinoise d’intelligence artificielle, a annoncé sur WeChat que son modèle V3.1 est déjà optimisé pour des puces IA chinoises de “prochaine génération”. Ce signal est interprété comme une étape vers une autonomie technologique renforcée, dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis.
DeepSeek, un acteur devenu stratégique
DeepSeek est basée à Hangzhou. En janvier 2025, la société avait déjà marqué les esprits avec le lancement de son modèle R1. Ce modèle proposait des performances proches de celles des grands acteurs occidentaux, mais avec un coût bien inférieur.
L’impact fut immédiat : Nvidia perdit plusieurs milliards de capitalisation boursière en quelques jours. Certains analystes parlaient alors d’un “choc DeepSeek”.
Depuis, l’entreprise a poursuivi ses innovations avec les versions V3 et V3.1. Cette dernière exploite un format de calcul baptisé « UE8M0 FP8 ». Ce format est spécialement pensé pour fonctionner sur des semi-conducteurs fabriqués localement.
Les puces IA chinoises comme levier de souveraineté
Le message publié le 21 août 2025 précise que le modèle V3.1 a été testé avec succès sur du matériel local. Même si DeepSeek n’a pas révélé l’identité du fondeur, tout laisse à penser que des puces chinoises compatibles seront dévoilées très prochainement.
Selon plusieurs médias, il s’agit d’un signe clair que Pékin accélère ses efforts pour bâtir un écosystème technologique indépendant.
Cette orientation répond aux restrictions américaines sur l’exportation de puces avancées, comme les GPU H100 et H20 de Nvidia. Pékin a multiplié les investissements pour combler ce retard, mobilisant aussi bien les industriels publics que les start-ups privées.
DeepSeek pourrait devenir la vitrine de cette nouvelle stratégie : prouver que des modèles d’IA compétitifs peuvent tourner sur des puces IA chinoises, sans dépendre des fournisseurs étrangers.
Des conséquences directes pour l’industrie mondiale
Si la Chine réussit à produire de telles puces à grande échelle, l’impact serait majeur.
- Nvidia et TSMC fragilisés : aujourd’hui, Nvidia domine le marché des processeurs d’IA. Ses GPU sont produits par TSMC à Taïwan. Des alternatives locales viendraient réduire cette domination.
- Émergence de champions chinois : des acteurs comme Huawei, Biren ou Cambricon pourraient profiter de l’élan donné par DeepSeek pour imposer leurs propres solutions.
- Réorganisation des chaînes d’approvisionnement : Pékin cherche à contrôler chaque étape, de la conception à la gravure, afin de réduire sa vulnérabilité aux sanctions.
- Deux écosystèmes en parallèle : l’Ouest et la Chine pourraient bientôt développer des standards différents, avec des formats de calcul distincts, rendant la compatibilité plus difficile.
Une bataille technologique et géopolitique
Les semi-conducteurs sont au cœur de la rivalité entre Washington et Pékin.
Pour les États-Unis, conserver la suprématie sur les puces avancées est vital. Cela conditionne leur avance en intelligence artificielle, mais aussi dans la cybersécurité et la défense.
Pour la Chine, disposer de puces IA chinoises souveraines est un objectif stratégique. Pékin y voit un passage obligé pour accélérer sa transformation numérique et renforcer sa puissance militaire.
Ainsi, l’annonce de DeepSeek dépasse la simple innovation technique. C’est aussi un message politique : la Chine affirme qu’elle peut avancer malgré les sanctions américaines.
Des limites mais une dynamique en marche
Beaucoup de zones d’ombre subsistent. On ignore les performances réelles des puces locales. Seront-elles capables de rivaliser avec les GPU haut de gamme de Nvidia ? La Chine reste aussi confrontée à un retard sur les procédés de gravure de pointe, domaine encore dominé par TSMC et Samsung.
Cependant, l’écosystème chinois progresse rapidement. DeepSeek montre qu’il est possible d’adapter les modèles d’IA aux contraintes locales. Cette stratégie logicielle compense en partie le retard matériel.
À terme, la combinaison des deux approches — modèles optimisés et puces locales — pourrait donner naissance à une alternative crédible au duopole technologique actuel.
L’affaire DeepSeek marque donc un tournant. La course aux semi-conducteurs n’est pas terminée, mais la Chine vient de montrer qu’elle avançait vite, et qu’elle ne comptait plus rester spectatrice.