Un nouvel outil de test de pénétration, baptisé Villager, fait trembler la communauté cybersécurité. Présenté comme un successeur IA de Cobalt Strike, il est disponible librement sur PyPI et a déjà été téléchargé près de 10 000 fois. Sa puissance et son automatisation en font un outil redoutable… mais aussi une menace si détourné par des acteurs malveillants.
Pentest, Red Team : de quoi parle-t-on ?
Le pentest (test de pénétration) est une méthode utilisée par les entreprises pour simuler des attaques informatiques sur leurs propres systèmes. L’objectif : identifier et corriger les failles avant que de vrais attaquants ne les exploitent.
Dans ce cadre, des équipes spécialisées appelées Red Team mènent des opérations offensives contrôlées. Elles utilisent souvent des outils puissants comme Cobalt Strike, un framework de test devenu incontournable. Problème : à force d’être efficace, Cobalt Strike est aussi devenu l’outil favori de nombreux cybercriminels, qui l’emploient dans de vraies attaques.
C’est dans cette logique ambiguë qu’apparaît Villager, présenté comme le « Cobalt Strike de l’IA ».
Une architecture qui combine IA et outils de hacking
Développé par une entité chinoise nommée Cyberspike, Villager se distingue par une architecture sophistiquée et largement automatisée.
L’outil repose sur trois piliers :
- Kali Linux : une distribution bien connue des pentesteurs, qui regroupe des centaines d’outils de hacking (scan réseau, exploitation de failles, phishing, etc.).
- DeepSeek AI : un modèle d’intelligence artificielle qui permet à Villager d’interpréter les résultats, de générer des scénarios d’attaque et même de rédiger des commandes automatiquement.
- Un set de plus de 4 200 prompts : préconfigurés pour guider l’IA dans l’exécution d’attaques précises (exfiltration de données, élévation de privilèges, exploitation de vulnérabilités connues).
La communication entre ces différents éléments passe par le Model Context Protocol (MCP), un protocole conçu pour permettre aux IA d’orchestrer des outils externes. Concrètement, l’utilisateur donne un objectif (« compromets ce serveur ») et Villager s’occupe de trouver la meilleure stratégie en mobilisant ses briques logicielles.
Un tel niveau d’automatisation réduit considérablement la barrière à l’entrée. Là où un attaquant devait auparavant maîtriser un arsenal complexe, Villager se charge désormais d’enchaîner les étapes, guidé par l’IA.
Une diffusion massive et préoccupante
Depuis son apparition sur le dépôt PyPI, Villager a déjà été téléchargé près de 10 000 fois en deux mois. Une adoption fulgurante qui soulève plusieurs inquiétudes :
- Disponibilité en open source : n’importe qui peut l’installer en quelques secondes.
- Accessibilité : plus besoin d’années d’expérience pour lancer des attaques sophistiquées.
- Attribution trouble : l’auteur du projet, stupidfish001, serait lié à l’équipe chinoise HSCSEC, réputée pour former des talents recrutés ensuite par des agences liées au renseignement.
Des chercheurs rappellent que la société Cyberspike, derrière Villager, a déjà été associée à des outils malveillants comme AsyncRAT ou Mimikatz.
Le risque du « double usage »
L’histoire de la cybersécurité regorge d’exemples où des outils conçus pour le bien commun ont fini entre de mauvaises mains. Cobalt Strike en est l’illustration parfaite : initialement développé pour aider les entreprises, il est désormais employé dans des campagnes de ransomware et d’espionnage.
Avec Villager, le scénario pourrait se répéter, mais amplifié par l’usage de l’IA. Les experts redoutent que cet outil industrialise l’attaque informatique et donne un avantage certain aux cybercriminels les moins expérimentés.
Pour les entreprises, cela implique une nécessité accrue de surveiller leur exposition, d’entraîner leurs SOC (Security Operations Center) à identifier des attaques automatisées, et de renforcer les défenses en profondeur.
À retenir
- Villager est un outil IA de pentest disponible sur PyPI.
- Il combine Kali Linux, DeepSeek AI et plus de 4 200 prompts pour automatiser les attaques.
- Développé par Cyberspike, une entité chinoise au passé controversé.
- Déjà 10 000 téléchargements, ce qui inquiète les SOC et les chercheurs.
- Il illustre parfaitement le problème du double usage en cybersécurité.
Le mot de l’expert
« Villager n’est pas seulement un outil de pentest, c’est une démonstration de ce que l’IA peut apporter à la cyber-offensive. Là où il fallait des années d’expérience, une IA peut désormais guider des attaques de bout en bout. Pour les défenseurs, cela signifie une montée en puissance des menaces, même venant d’acteurs peu qualifiés. »
Vers un futur incertain
Villager incarne un dilemme bien connu en cybersécurité : où tracer la ligne entre innovation utile et outil dangereux ?
S’il est clair qu’un outil IA de pentest peut aider les entreprises à détecter plus vite leurs failles, sa diffusion libre et sa puissance font courir un risque majeur de détournement. L’analogie avec Cobalt Strike laisse penser que Villager pourrait devenir un standard des cyberattaques offensives dans les années à venir.