Renault est en discussions avec le ministère des Armées pour participer à la production de drones en Ukraine, en partenariat avec une PME de défense locale. Si cette initiative représente un tournant industriel majeur, elle expose également le constructeur automobile à un nouveau front : celui de la cybersécurité. Dans un contexte où les cyberattaques se multiplient contre l’industrie des drones, l’éventuelle implication de Renault soulève des enjeux stratégiques bien au-delà du champ militaire.
La guerre des drones est aussi une guerre numérique
Les drones sont devenus l’une des armes les plus décisives du conflit russo-ukrainien. Mais leur production est désormais autant menacée par les bombardements physiques que par les attaques numériques. Début août, des hackers ukrainiens affiliés à l’Ukrainian Cyber Alliance et au BO Team ont revendiqué une cyberattaque massive contre Gaskar Group, l’un des principaux fabricants russes de drones. Résultat : plus de 47 téraoctets de données effacés, des systèmes paralysés et une chaîne de production mise hors service.
Ces opérations montrent que les usines et leurs systèmes IT/OT (Information Technology / Operational Technology) sont devenus des cibles prioritaires dans la guerre moderne.
Renault face à des menaces inédites
Si Renault s’engage dans la production de drones, il devra faire face à des menaces bien différentes de celles du secteur automobile classique. Les risques incluent :
- Intrusions ciblées visant les systèmes de conception assistée (CAO) et les brevets sensibles.
- Sabotage de la production via les systèmes industriels (SCADA, PLC, IoT).
- Espionnage et fuite de données sur les chaînes logistiques, souvent interconnectées avec des fournisseurs internationaux.
- Campagnes de désinformation visant à déstabiliser l’image du groupe et semer la défiance parmi ses salariés.
En clair, Renault devrait se transformer en acteur cyber-résilient, en adoptant une approche de sécurité digne du secteur de la défense.
Un enjeu humain et organisationnel
Au-delà des infrastructures, le facteur humain est central. Les salariés, peu habitués à un contexte militaire, pourraient devenir des cibles privilégiées de campagnes de phishing, de social engineering ou de tentatives de corruption. La réussite du projet dépendra donc autant de l’élévation du niveau de sensibilisation interne que du déploiement de technologies de cybersécurité avancées.
Une décision stratégique sous haute surveillance
La participation de Renault à un projet de drones en Ukraine serait un tournant historique, plaçant un constructeur automobile civil au cœur d’un écosystème militaire. Mais cette décision ne pourra se prendre qu’en intégrant une dimension essentielle : sans une cybersécurité robuste, toute ambition industrielle pourrait être rapidement compromise par un adversaire numérique.
Sources
- Reuters – France approaches Renault for drone production : https://www.reuters.com/en/france-approaches-renault-drone-production-renault-says-2025-06-08/
- Le Monde – Renault could make drones in Ukraine : https://www.lemonde.fr/en/economy/article/2025/06/15/french-car-maker-renault-could-make-drones-in-ukraine-signaling-the-automotive-industry-s-shift-into-defense_6742366_19.html
- Financial Times – Renault in talks over drone project in Ukraine : https://www.ft.com/content/51039f62-8acd-4444-9d4e-c6ddb0c9df8b
- The Record – Ukrainian hackers paralyze Russian drone manufacturer : https://therecord.media/ukraine-hackers-claim-attack-russia-gaskar-group-drone-maker